[Interview] Ces lois qui sécurisent le marché local de l’immobilier : la loi successorale

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Me Krishna Dwarka, notaire de Dwarka Law Chambers, dissèque ce qui caractérise les régimes patrimoniaux mauriciens et les dispositions prévues en matière de transmission aux héritiers.

« Tout comme le reste du droit civil mauricien, la loi successorale mauricienne procède du modèle napoléonien. Nous connaissons donc l’institution de la réserve héréditaire, qui garantit aux enfants du défunt une part incompressible du patrimoine successoral : la moitié si le défunt a laissé un seul enfant, deux-tiers s’il a laissé deux enfants, et trois-quarts du patrimoine si le nombre d’enfants est de trois ou plus.

Il est impossible de priver les enfants de cette part, même par testament, ou par des donations avant le décès. La règle de la réserve héréditaire est dite « d’ordre public », ce qui fait qu’on ne peut pas y renoncer.

Le conjoint survivant hérite de l’équivalent d’une part d’enfant, mais il ne bénéficie pas de la réserve, donc on peut déshériter son veuf ou sa veuve par testament.

Signalons toutefois deux éléments importants. D’abord, à Maurice il est possible pour un étranger de se prévaloir d’un trust pour détenir et transmettre ses biens. C’est un mécanisme de détention de la propriété juridique de biens par un prestataire agréé par la Financial Services Commission, pour le compte de bénéficiaires désignés ou à naître, par exemple. Ce mécanisme peut dans certains cas spécifiques amener à faire obstacle à la réserve héréditaire.

De même, depuis 200 ans à Maurice, les notaires ont développé des techniques de structuration de sociétés civiles qui mitigent l’impact de la réserve héréditaire, pour éviter l’éclatement d’un patrimoine successoral important parmi divers héritiers : ce qui est crucial pour préserver une entreprise et ses actifs, par exemple.

Deuxièmement, la loi successorale peut être modifiée par l’effet du droit international privé, qui régit l’interaction entre divers systèmes juridiques. C’est un domaine du droit particulièrement complexe, mais en deux mots, l’affaire de la succession de Johnny Hallyday en est une illustration fort instructive : elle démontre comment un Français, installé de manière pérenne à l’étranger, peut en toute légalité soit faire régir sa succession par la loi de son pays de résidence habituelle, soit la faire régir par la loi de sa nationalité, en application d’une réglementation européenne qui le permet.

Au regard du nombre d’étrangers installés à Maurice, l’interaction entre les droits européens et le droit mauricien se constate tous les jours dans ma pratique. La complexité du droit international privé, et les conséquences financières importantes de l’absence de structuration internationale de patrimoine, m’amènent à travailler souvent en réseau avec des confrères étrangers, notaires français et africains, attorneys ou avocats sud-africains ou australiens, afin de conseiller de manière optimale les étrangers investissant à l’île Maurice… ou les Mauriciens quittant leur île pour s’installer ailleurs. »