Questions à Bhooshan Ramloll, président de la Building and Civil Engineering Contractors Association

publié le

Comment se portera le secteur de la construction au second semestre ?
Il y a eu une croissance de 11 % en 2008, qui a chuté à 2,5 % en 2009 à cause de la crise financière internationale.Cette année, la croissance devrait osciller entre 5 % et 8 %, dopée principalement par les mesures du stimulus package et les travaux publics. L’on note déjà cependant un ralentissement dans les projets du secteur privé.
Les projets d’ Integrated resorts scheme ( IRS) et de Real Estate Scheme ( RES) stagnent. La crise de la zone euro en est en grande partie responsable, ayant poussé de nombreux promoteurs à changer de cap, fragilisant ainsi le marché immobilier. En revanche, il existe une forte demande pour l’ Invest Hotel Scheme, qui permet aux Mauriciens, mais aussi aux étrangers, d’acheter des chambres d’hôtel. Il y a aussi une grande demande pour les appartements, émanant de personnes à faibles moyens ou forts revenus. Quant aux IRS et RES, pour donner un coup de pouce à ces projets, il faudrait, par exemple, organiser des « road shows » en Asie et en Europe.

Vous avez été élu viceprésident de l’African Federation for Construction Contractors Association.Comment cette association peut- elle aider les entrepreneurs en bâtiment ?
L’association en question a été créée en 2006, sous l’impulsion de la Banque africaine de développement. Elle permettra aux constructeurs de mieux s’organiser afin de faire face aux défis que doit relever le secteur de la construction en Afrique. Actuellement, la plupart des entrepreneurs en bâtiment basées sur le continent noir sont des compagnies chinoises. Cette association donnera l’occasion aux entrepreneurs africains de travailler ensemble, leur permettant ainsi de mieux traverser les barrières tarifaires.
Les entrepreneurs mauriciens seront par ailleurs tôt ou tard obligés de se délocaliser en Afrique, car le champ d’action à Maurice est très limité. Notre pays est membre de cette fédération depuis 2008 ; les bases sont ainsi déjà jetées.

Quelles sont les possibilités à exploiter ?
La construction écologique, le financement de certaines banques, les joint ventures et le networking , sont autant de possibilités que l’on peut exploiter.
Il faudra aussi s’appuyer sur des normes qui permettront aux entrepreneurs africains de travailler sur une même plate- forme, et utiliser la main- d’oeuvre locale disponible sur place, au lieu d’avoir recours à des compagnies étrangères.
Notre appartenance à cette fédération nous ouvre les portes de l’Afrique, et laisse entrevoir la possibilité d’obtenir de nouveaux contrats. Car le continent noir sera bientôt un très vaste chantier.
Il faut aussi favoriser l’accès aux facilités pour les entrepreneurs africains, afin de leur permettre de se battre à armes égales contre les compagnies concurrentes.
Actuellement, il y a des compagnies étrangères qui débarquent, réalisent des contrats, et s’en vont, sans même qu’il y ait de transfert de technologie. Le pays en question en sort bien entendu perdant.

Est- ce le cas à Maurice ?

Oui, on peut le dire. Certaines compagnies étrangères qui opèrent chez nous n’observent pas totalement les Health and Safety Regulations . Il faut que les autorités exercent un contrôle plus strict sur la question. Ces compagnies étrangères prennent par ailleurs avantage de toutes les facilités disponibles, comme l’accès gratuit aux hôpitaux. Il faudrait avoir un droit de regard sur les salaires payés, car les devises sont rapatriées. Lesdites compagnies emmènent en outre leurs propres équipements dans leurs bagages.
Tout ça leur permet d’être plus compétitifs, et elles commencent à menacer l’existence même des compagnies mauriciennes.

Et que proposez- vous ?

Il faut que les autorités arrêtent de délivrer des permis à des compagnies étrangères. Il y a des prêts à des taux concessionnaires, des « soft loans » , qui sont octroyés par des pays étrangers pour des projets. Et là, l’on spécifie quels sont les entrepreneurs qui sont éligibles. Le « bid rigging » ( NdlR , trucage des offres) commence à devenir monnaie courante . ‘ Zot kase ranze ant zot mem.’ Ils s’arrangent pour fixer les prix. Le gouvernement doit ouvrir les yeux sur cette pratique, car cela empêche les compagnies locales d’évoluer.

Mais sans les compagnies étrangères, n’est- il pas difficile de réaliser certains projets ?
Ce n’est pas totalement vrai.Ce n’est pas parce qu’une compagnie propose un prix moins élevé que vous faites une meilleure affaire.
Bien des fois, la qualité du travail laisse à désirer. Il y a par ailleurs eu de gros problèmes quant au respect des délais pour la réalisation de certains contrats ; des chantiers n’ont pas été complétés à temps.

Faut- il continuer à importer de la main- d’oeuvre ?
Oui. Les travailleurs étrangers sont plus productifs. Sous la supervision du middle- management mauricien, c’est certain que le travail effectué sera d’une très bonne qualité. Les coûts de construction peuvent être plus compétitifs, alors que les coûts d’un projet peuvent diminuer. L’importation de la main- d’oeuvre étrangère aidera aussi à développer l’entrepreneuriat, surtout que la relève des travailleurs mauriciens est loin d’être assurée dans ce secteur.

La compagnie Bhooshan Ramloll Ltd. continuera- t- elle à diversifier ses opérations ?

Nous allons nous lancer dans l’hôtellerie. On peaufine actuellement un projet.

Propos recueillis par Alain Barbé

L’express du mercredi 23 juin 2010