Logement : l’angoisse des classes moyennes

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En raison des prix à la hausse, la recherche d’un logement devient un véritable parcours du combattant pour le Mauricien moyen.

« Il y a incontestablement eu une envolée des prix dans l’immobilier ces cinq ou six dernières années », note Vassant Jogoo, consultant en urbanisme. Les causes de ces augmentations sont diverses. « En premier lieu, les prix ont flambé ces dernières années à cause de la conversion de terres agricoles et de la réalisation de vastes projets immobiliers de grand standing tels que les IRS (Integrated Resort Scheme) et ERS (Real Estate Scheme). Cette conversion était autrefois très compliquée mais la politique plus libérale du gouvernement en matière d’aménagement du territoire a engendré des espoirs de gains plus importants chez les investisseurs privés. »
Rishi Dass Soniassy, urbaniste, directeur de MPS Consultancy Ltd, abonde dans ce sens. « Les privés n’ont pas beaucoup de marge de manoeuvre, c’est pourquoi ils se tournent vers le haut de gamme », explique-t-il. Et d’ironiser : « N e reste-t-il pour la classe moyenne que la Mauritius Housing ? »

« En sus des étrangers, souligne Maurice Régnard, directeur de PRO FONCIER, beaucoup de Mauriciens expatriés sont revenus au pays et ont investi dans le foncier et l’immobilier. Cela a eu un effet boule de neige et a donné lieu à davantage de spéculations, faisant ainsi grimper les prix. Le nombre d’agences immobilières a aussi augmenté de façon significative. Le public pense que nous opérons dans un secteur juteux. Beaucoup de personnes se reconvertissent ainsi dans l’immobilier en pensant que c’est un moyen facile de se faire de l’argent. Cependant, avec la concurrence à laquelle nous avons à faire face, nous connaissons des jours difficiles. »

« Les annonces de projets d’aménagement dopent le prix des terrains avoisinants. A Wooton ou l’Hermitage, il est difficile de trouver un terrain à bon marché comme auparavant, suite à l’annonce du projet Highlands », relève Rishi Soniassy. Un arpenteur juré requérant l’anonymat confirme : « les prix avoisinent Rs 4,5 millions l’arpent pour un terrain agricole. Les potentiels investisseurs attendent les développements annoncés pour réaliser leur plus-value, une fois la conversion faite. »

La politique des gouvernements qui se sont succédé s’est également traduite par des amendements au Landlord and Tenants Act qui ont donné lieu à la libéralisation des prix des loyers. « Il faut désormais compter entre Rs 20 000 et Rs 25 000 par mois pour trouver une maison meublée en location dans un quartier correct de Quatre-Bornes », selon Maurice Régnard.

De même, les prix à l’achat pour des terrains grimpent jusqu’à Rs 20 000- 25 000/toise dans les régions demandées telles que Rivière-Noire, Grand Baie ou certains quartiers urbains (Floréal), avance Bernard Desvaux de Marigny, directeur de Sagiterre.

La classe moyenne est prise en étau. « Les lieux d’habitation proches des centres d’activité, des services sont très demandés et donc chers. En plus, il suffi t qu’il y ait déjà un prêt pour la voiture et les frais d’écolage des enfants pour qu’un prêt-logement devienne problématique », fait ressortir Bernard Desvaux de Marigny.

Le choix est limité pour la classe moyenne, s’accordent Bernard Desvaux et Rishi Soniassy. C’est ce qui explique l’engouement « pour l’habitat collectif ». Les jeunes couples optent de plus en plus pour un appartement comme premier achat avant de migrer en périphérie des villes où on développe des morcellement proches des services et pôles d’activité. « Les professionnels s’interrogent sur ce qui pourrait correspondre à la classe moyenne. Les espaces semi-ruraux, proches des villes en devenir attirent et on y développe des projets résidentiels, qui doivent répondre à un cahier des charges strict. C’est le cas près de Goodlands, Pamplemousses, Souillac ou bientôt Bambous », nous apprend Bernard Desvaux de Marigny.
Le luxe, pour la classe moyenne d’aujourd’hui, se résume à pouvoir financer un terrain et une construction dans des régions courues par ce que proches des centres et des services. Cela n’est pas toujours facile puisque « même les contracteurs ont revu leur prix à la hausse », confie Rishi Soniassy.

La flambée des prix dans les Plaines-Wilhems témoigne des difficultés auxquelles fait face la classe moyenne. Les terrains y sont de plus en plus rares et la demande constamment en hausse, compte tenu de la proximité des pôles d’activités (Port-Louis mais aussi Ebène en pleine croissance).

« Ceux qui voudraient un peu d’espace, résume Rishi Soniassy, vont en périphérie des villes, ceux qui n’ont pas cette possibilité devront se contenter de lopins plus petits de cinq à sept perches au lieu des 15 perches d’il y a quelques années ». Cette pression sur le foncier et l’immobilier a pour conséquence l’amenuisement, comme peau de chagrin, des parcelles résidentielles. Par ce que l’espace disponible est limité, il y a peu d’espoir que la tendance s’inverse.

Le prix des terrains résidentiels est très variable. Selon l’arpenteur Ahmad Ally Khadaroo, « dépendant de la région le prix des terrains varie entre Rs 3 000/toise dans les villages assez retirés et Rs 30 000-40 000/ toise pour des régions très demandées comme Rivière- Noire ou Port-Louis ». D’une manière générale, il devient difficile de trouver des terrains à moins de Rs 10 000 la toise. Dans les Plaines-Wilhems, le prix varie entre Rs 15 000 et Rs 20 000 la toise. Dans les régions côtières très demandées, on peut aller jusqu’à Rs 35 000 la toise.

Les morcellements résidentiels se veulent une réponse à cette flambée des prix. Le prix de la toise y est généralement négocié autour de Rs 10 000 pour des terrains de 100 toises à 150 toises. La construction doit cependant répondre à un cahier des charges strict en matière de matériaux utilisés, architecture, hauteur pour préserver l’harmonie du lieu, souvent à la périphérie des villes.

Source : L’Express du 20/072010
Gilles Ribouet & Kenneth Babajie