Eco-building, pour une architecture de résilience

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architecturesLa première édition de la conférence sur le Green Building, l’Ecobuilding Conference & Exhibition 2010 a eu lieu les 18 et 19 mars à Pailles et a fait montre de nombreux intervenants et conférenciers de qualité, ayant une volonté claire et presque militante de promouvoir le Green building à Maurice. Un rendez-vous annuel, organisé conjointement par Alive2green (Mauritius) Ltd et la Mauritius Association of Architects, qu’on ne manquera pas de suivre.

La prochaine édition de l’Ecobuilding Conference & Exhibition est prévue pour le mois de mars de l’année prochaine, nous dit M. Gordon Brown, directeur d’Alive2green.

D’éminents professionnels des secteurs de l’immobilier, de la construction et de l’énergie ont apporté leur contribution sur les différentes possibilités d’optimiser une large implémentation des pratiques écologiques dans ces divers secteurs. On a ainsi assisté aux présentations d’architectes de renom comme Karan Grover (Inde), Antoine Perrau (Réunion), Mick Pearce (Australie), Gaëtan Siew (Maurice), Jean François Koenig (Maurice).

Divers professionnels d’Afrique du Sud comme Llewellyn Van Wyk, président du Sustainability Committee de l’Union Internationale des Architectes pour l’Afrique, Eric Noir (architecte et urbaniste), Bab Van Bebber, Abre & Neil Crafford et de Maurice tels que Tony Lee, Quantity Surveyor et directeur d’Ecosis Ltd, Dr Khalil Elahee de l’Université de Maurice, Dr Revin Panray Beeharry, Management Consultant et Dr Nalini Heeralall-Issur du Mauritius Radio Telescope (MRT) ont apporté leur contri­bution dans leurs domaines respectifs.

Réconcilier l’homme avec son environnement
La résilience est définie par Llewellyn Van Wyk comme « la capacité d’un écosystème à tolérer des perturbations sans basculer dans un état qualitative­ment différent qui serait contrôlé par un ensemble de processus différents. »
La résilience est conférée dans les systèmes humains et écologiques par la capacité d’adaptation. Un écosystème résilient peut résister aux chocs des constructions (qui comprennent le design urbain, l’utilisation des terres et le système de transport, et les schémas de l’activité humaine dans cet environne­ment physique) et se reconstruire, si nécessaire.

ecobuildingComme l’a présenté Llewellyn Van Wyk, " si nous voulons créer un monde durable - celui dans lequel nous sommes responsables devant les besoins de toutes les générations futures et des êtres vivants - nous devons teconnsîue que nos formes actuelles d’agriculture, d’architecture, d’ingénierie et de techno­logie sont profondément imparfaites. Afin de réussir à intégrer écologie et architec­ture, nous devons refléter les intercon­nexions profondes de la nature dans notre propre épistémologie de l’architec­ture. » Van der Ryn, S., & Cowan, S., (1996). Ecological Design, Island Press, Washington.

La construction bioclimatique en milieu tropical
Le travail d’Antoine Perrau sur la construction bioclimatique à la Réunion au sein de son bureau d’études en Qualité Environnementale des bâtiments et des aménagements, le Laboratoire d’Ecologie Urbaine de la Réunion (LEU) fondé en 2003 par Michel Reynaud et lui-même, apporte des éléments pertinents pour Maurice en ce qui concerne le confort hygrothermique, les protections solaires, l’optimisation de l’éclairage naturel, les énergies renouve­lables et l’acoustique.

La présentation sur l’ilet du Centre permet de mettre en évidence le principe de conception de ce projet à Saint-Pierre à la Réunion avec une structure en béton protégée des apports solaires par des tampons thermiques : espaces extérieurs intermédiaires, des doubles peaux ventilées bois sur façades béton, bardage métallique réfléchissant sur structure béton et pare-soleil métallo­textile.
La venfilation naturelle traversante est assurée par un positionnement des bâtiments en fonction des vents domi­nants, une perméabilité au vent de l’aménagement du site (peigne), une trame étroite des bâtiments, un aména­gement intérieur des logements, des jalousies anti-effraction, des jalousies intérieures et des volets persiennés.

L’utilisation de l’énergie solaire avec une ferme photovoltaïque intégrée (160 m2, 20kWc) raccordée au réseau et Eau Chaude Solaire : capteurs en toiture et ballons dissociés. Les espaces verts sont assurés par une végétalisation des pieds de façade, jardins d’endémiques et d’indigènes adaptés au site avec une ruche urbaine pour pollinisation des végétaux et déve­loppement des jardins et assurant aussi une production de miel.

Quelques chiffres tout à fait satisfai­sants pour ce site avec un Coefficient d’Occupation des Sols de 1 (COS maxi­mal autorisé : 1.5), une consommation électrique logements (tous usages, énergie finale) de 28 kWh/m2/an et une consommation électrique bureaux (tous usages, énergie finale) de 56 kWh/m2/an, un linéaire de pied de façade végétalisé (arbres ou systèmes arbustifs denses) de 95%, 80% des eaux pluviales infiltrées directement dans le sol (hors épisode cyclonique), 3 composteurs collectifs répartis dans les jardins de l’opération, 160 m2 de surface de capteurs photovoltaïques en toiture (pergola solaire), 8 m2 de surface climatisée pour l’ensemble de l’opération (local informatique bureaux), un coût de la construction de 1.600 €/m2 : (2008), 100% d’eau chaude solaire pour les logements et 90% de pouvoir de réflexion du rayonnement solaire du bardage métallique réfléchissant.


La deuxième présentation d’Antoine Perrau sur le lycée Saint Benoît IV, une conception environnementale basée sur le référentiel NF-HQE® permettant un fonctionnement non climatisé de l’ensemble des bâtiments, met en application le traitement des vents et l’aération par un positionnement des bâtiments en fonction des vents dominants, une perméabilité au vent, une utilisation du bois (pin sylvestre traité CL4, Ipé avec labellisation FSC ou PEFC exigée pour l’ensemble des bois) pour les charpentes (gymnase), les structures (coursives), les bardages, les decks (coursives, terrasses), les garde­corps, les persiennes et protections solaires et le traitement des eaux de pluies avec des espaces verts et des zones perméables avec des systèmes de phytorémédiation et d’infiltration ainsi que la gestion des déchets de construction.

Le lycée Saint Benoît IV affiche une consommation électrique prévisionnelle totale de 23 kWh/m2/an, 4.582 m2 de ferme photovoltaïque en toiture (ombrières de bâtiments), un taux de couverture en énergie solaire pour les besoins en eau chaude de 80%, 40 rn’ de cuve de recyclage des eaux de pluie destinées aux WC, une capacité de rétention des ouvrages d’infiltration des eaux de pluie de 547 rn’, un coefficient d’imperméabilisation global de la parcel­le de 2,7%, 7.500 plants d’espèces endémiques ou indigènes pour les jardins, 3 compartiments pour l’en­semble des réceptacles déchets (pou­belles) et une autonomie en éclairage naturel uniquement pour les salles de classe de 80%.


Concilier la technologie moderne et les méthodes traditionnelles

Le défi est de concilier les méthodes traditionnelles et les innovations techno­logiques, apportant ainsi un réponse aux effets négatifs de la technologie moderne grande consommatrice d’éner­gie en " inventant " de " nouvelles " techniques architecturales.
En ce sens, Karan Grover parle d’utiliser le savoir-faire de nos ancêtres avec les innovations technologiques modernes afin d’obtenir des résultats significatifs en matière d’architecture durable qui comprend une conception adaptée au climat, l’utilisation de matériaux locaux et durables, la récupé­ration de l’eau, etc.
La conception architecturale de l’Inde est spécialement sophistiquée, après des milliers d’années de’ raffinement comprenant des éléments architectu­raux, comme les cours, les groupes de construction, les tours de ventilation, les terrasses sur les toits et les jaalis (treillis de pierre) qui sont utilisés pour atténuer les effets du climat et sont devenus des éléments sociaux et culturels.

Ace sujet, Antoine Perrau parle de ce bon sens dans l’élaboration des cases créoles faites d’une adaptation intelligen­te de modèles importés d’Europe avec les varangues, la végétation autour, les auvents, les toits en tôle avec les grands débords de toitures. Une transposition de ces éléments est tout à fait possible dans les constructions d’aujourd’hui en conservant un peu de béton et utiliser un peu plus le bois avec, par exemple, une charpente en bois sur une enveloppe en béton.

Llewellyn van Wyk, président du Sustainability Committee de l’Union Internationale des Architectes, parle d’une relation quasi organique entre la solution et le « designer » dans ses prin­cipes pour une architecture écologique.
Repenser nos modes de vie Comme nous le rappelle Llewellyn van Wyk, nous faisons partie du monde vivant de cette planète. Nous devons comprendre les conditions qui régissent notre existence et nous comporter de sorte à ne pas violer ces conditions.

Nous sommes à un tournant dans l’histoire de l’humanité où nous devons accepter cette vérité qui nous incommo­de : nos vieilles théories et pratiques en matière de gestion de l’environnement ne sont plus valables ; le développement durable qui doit améliorer la qualité de la vie ne peut se faire que par un équilibre avec la nature et que faire le moins de mal possible n’est pas assez, nous dit Llewellyn van Wyk.
Une architecture résiliente est un processus de transformation dans lequel l’exploitation des ressources, la direction des investissements, l’orientation du développement technologique et le changement institutionnel sont en har­monie et renforcent le potentiel présent et futur pour répondre aux besoins et des aspirations humaines.

En l’occurrence, pour une île Maurice durable, Gaëtan Siew, lors de sa présen­tation, insiste sur le fait qu’il nous faut nous valoriser et affirmer nos valeurs et avoir l’attitude voulue pour regarder vers le futur. Valoriser et protéger, comme des partenaires, notre héritage, notre pays, notre population, notre nature, notre environnement et faire de notre diversité culturelle une force afin d’arriver à une meilleure qualité de vie où nous prenons le temps de construire des relations humaines de qualité.

Privilégier trois axes de développe­ment, le cyber island, le knowledge hub et Maurice Ile Durable de sorte à se diriger vers une nouvelle réflexion sur nos villes en privilégiant la régénération de l’environnement, la créativité afin de redéfinir notre mode d’organisation du travail et de transport, de trouver la vitalité nécessaire pour saisir les nou­velles opportunités de développement avec une utilisation adéquate de nos ressources.

La perspective économique
Pendant la conférence, il a été dit clairement que le Green Building ne coûte pas forcément beaucoup plus cher. Dans sa présentation, Tony Lee fait état de quelques études de Davis Langdon sur les coûts de divers projets. Le surcroît de coût tournerait autour de 5% si l’on ne considère pas les a eco-gadgets . » à la mode en ce moment, comme la production d’électri­cité. Car, comme le rappelle de nom­breux intervenants, il convient d’abord de penser à réduire la consommation d’énergie au lieu de penser à en produire plus.

Par contre, le Green Building a de nombreux avantages à être pris en considération, comme une réduction de la consommation d’énergie de 26%, une baisse des coûts de maintenance de 13%, une diminution d’émission de gaz à effet de serre de 33%.
Il existe cependant quelques facteurs qui rendent difficile le contrôle des coûts, explique Tony Lee, comme l’absence d’un objectif clair de conception écologique, les tentatives à mi-chemin d’incorporer le green, la gestion décen­tralisée du processus de construction écologique, le manque d’expérience et de connaissance dans le bâtiment écologique et l’insuffisance de temps et de financement.

Source : Business Magazine No924 21-27 Avril 2010